La dispensation à l’unité refait surface

La dispensation à l’unité refait surface
Présent dans la future loi de santé pour 2024, ce mode de délivrance des médicaments ne fait pas l’unanimité, notamment du point de vue des pharmaciens.

Qualifiée depuis le début de « fausse bonne idée » par les représentants des pharmaciens d’officine comme par l’industrie pharmaceutique, la dispensation à l’unité (DAU) a déjà fait l’objet d’une expérimentation 2014 qui s’étalera sur toute une année dans une centaine de pharmacies en France. Malgré des résultats peu concluants concernant l’observance des patients et l’absence de prise en compte de la surcharge de travail pour les pharmaciens expérimentateurs, la candidat Emmanuel Macron inscrit, à l’instar de Marine Le Pen, la DAU dans son programme pour l’élection présidentielle de 2017, alléguant notamment du gaspillage engendré par les médicaments non utilisés.

Une expérimentation décevante

En 2019, à la suite d’un référé de la Cour des comptes qui stigmatise clairement la délivrance des médicaments à la boîte dans les officines pharmaceutiques et prône, en creux, un recours à la DAU pour remédier au « recours excessif aux antibiotiques », la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire (Agec) du 10 février 2020 va servir de réceptacle à la promesse du président en introduisant ce mode de délivrance dans le Code de la santé publique. N’y voyant que des inconvénients, les industriels du médicament et les pharmaciens ont tout tenté pour que cette mesure soit purement et simplement remisée au placard. Plus que réservé à son endroit, le représentant des laboratoire pharmaceutiques, le Leem affirme que la dispensation à l’unité est « totalement incompatible avec la sérialisation à la boîte entrée en vigueur le 9 février 2019 et fait peser des risques réels sur la sécurité et la traçabilité des médicaments lors de leur distribution aux patients ». Les entreprises devraient ainsi mettre à disposition des pharmaciens des blisters avec prédécoupes individuelles, bien plus grands que les classiques et susceptibles de générer 30 % de déchets supplémentaires.

Des procédures inadéquates

A la suite du décret définissant les modalités particulières de conditionnement, d’étiquetage, d’information du patient et de traçabilité des médicaments délivrés à l’unité en pharmacie d’officine, un arrêté publié le 9 mars 2022 précise enfin la liste des spécialités concernées qui se limite, comme attendu, à la classe des antibactériens à usage systémique. Cette fois c’est l’Académie nationale de Pharmacie qui monte au créneau et déplore que « le processus décrit dans le décret complique l’organisation du travail à l’officine sans sécuriser l’acte pharmaceutique ni permettre de lutter contre le gaspillage ». Pour elle, si la DAU peut être envisagée pour certains médicaments, « elle ne peut venir qu’en complément d’autres mesures et après avoir pris en compte ses limites ».

Un premier bilan décevant

Après une année de mise en place, le bilan du déploiement de la DAU n’est guère reluisant. Entre mai et décembre 2022, elle n’a ainsi représenté que 0,1 % des actes de délivrance. Malgré ces chiffres squelettiques, le gouvernement a une nouvelle fois activé le levier de la DAU en l’introduisant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, sous prétexte de lutte contre les ruptures de certaines spécialités pharmaceutiques.  De leur côté, les syndicats d’officinaux demeurent interloqués. Philippe Besset, le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) considère très clairement que, « telle qu’elle est actuellement présentée, cette mesure est parfaitement inutile ». Il faut enfin avoir à l’esprit que si la DAU est la norme dans certains pays comme les Etats-Unis ou encore le Canada, c’est en grande partie en raison du prix beaucoup plus élevé des médicaments qu’en France où, en outre, l’immense majorité des conditionnements correspond aux posologies des traitements prescrits par les médecins.

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