Pour traiter l’épilepsie, de nombreuses molécules peuvent être prescrites. Elles visent à limiter la survenue des crises et à en diminuer l’importance. Ces médicaments ont cependant des effets indésirables potentiellement graves, notamment sur les fœtus qui y seraient exposés.
Le valproate et ses dérivés (valproate de sodium, valpromide) sont ainsi associés à un risque élevé de malformations congénitales (au niveau du rein, du cœur, du cerveau…), tout comme le topiramate ou la carbamazépine. Ces molécules peuvent également entraîner des troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant à naître, c’est-à-dire une perturbation de son développement cognitif, affectif, mais aussi moteur ou langagier. D’autres médicaments plus récemment mis sur le marché ont, eux, une fréquence moindre d’effets indésirables de ce type et sont considérés comme plus sûrs.
Une étude pour faire le point
C’est pour cela que les autorités sanitaires travaillent depuis de nombreuses années à limiter autant que possible la prise de tels traitements par des femmes épileptiques qui débuteraient une grossesse. Le groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE est une structure d’expertise publique en pharmaco-épidémiologie, créée conjointement par l’Agence nationale du Médicament (ANSM) et la Caisse nationale d’Assurance maladie (Cnam). Ses experts ont analysé les données figurant dans le Système national des données de santé (SNDS) de notre pays, pour retracer sur la période allant de 2013 à 2021 l’exposition de plus de 55 000 grossesses exposées à au moins un antiépileptique. Cette étude a été publiée le 26 août dans la revue Neurology de l’Académie américaine de neurologie. Elle montre, selon les différentes molécules et leurs risques associés pour le fœtus, les points qui ont été sérieusement améliorés et ceux qui peuvent encore l’être.
Baisse notable de l’exposition
L’étude met en évidence une baisse de l’exposition prénatale au valproate de sodium et au valpromide. Le nombre de grossesses exposées à ces médicaments précis a diminué de plus de 84 % sur la période, tandis que le taux d'interruption des grossesses exposées a augmenté de plus de 23 %. Les experts ont également relevé une réduction du nombre de femmes ayant pris ces molécules de façon prolongée, c’est-à-dire pendant plus de 30 jours pendant qu’elles étaient enceintes.L’étude du GIS EPI-PHARE révèle aussi une diminution constante mais moins marquée de l’exposition au topiramate (- 34 %) et à la carbamazépine (- 40 %) entre 2013 et 2021.
Si l’on ne peut que se féliciter de la baisse de l’exposition des grossesses aux deux familles d’antiépileptiques précitées en raison des risques pour le fœtus, les chercheurs d’EPI-PHARE mettent en évidence, par ailleurs, une augmentation de 28 % du nombre de nouveau-nés ayant été exposés à la prégabaline et à la gabapentine, des molécules dont l’impact potentiel sur les enfants à naître est moindre en l’état actuel des connaissances.
Quant à l’exposition des grossesses aux molécules plus récentes comme le lacosamide et le zonisamide, les travaux d'EPI-PHARE montrent qu’elle est également en progression. Dans le même temps - et c’est un excellent point - l’utilisation d’antiépileptiques ne présentant pas de risque identifié à ce jour en cas d’utilisation pendant la grossesse, comme la lamotrigine et le lévétiracétam, a augmenté de 30 % entre 2013 et 2021.
Une meilleure prise en charge pour toutes
La mise en perspective de ces résultats par le GIS- EPI-PHARE souligne en parallèle « une inégalité sociale marquée » dans l’exposition aux médicaments antiépileptiques des femmes enceintes, « l’exposition aux molécules à risque avéré ou incertain concernant plus souvent des femmes défavorisées sur le plan socioéconomique ». Des efforts importants restent donc à faire pour que les femmes les plus précaires bénéficient d’un meilleur suivi, leur permettant de changer de traitement chaque fois que possible pour minimiser le risque pour leur bébé à naître. L’ANSM poursuit d’ailleurs ses actions au niveau national comme européen pour améliorer l’utilisation des antiépileptiques et leur bon usage lors de la grossesse.