Une révolution pour Alzheimer ?

Une révolution pour Alzheimer ?
L’autorisation récente, aux États-Unis, d’un simple test sanguin permettant de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer ouvre de nouvelles perspectives pour la prise en charge des malades.

Une mini-révolution est-elle en train de se jouer dans le diagnostic de la maladie d’Alzheimer (MA) ? La Food and Drug Administration (FDA), l’autorité de régulation américaine, a autorisé la mise sur le marché, le 16 mai dernier, d’un nouveau médicament baptisé Lumipulse (laboratoire Fujirebio).
Il s’agit du premier dispositif de diagnostic in vitro permettant de détecter et doser dans le sang deux éléments : d’une part les peptides bêta-amyloïdes A42 et A40, qui ont la particularité démontrée d’être responsables de l’accumulation de dépôts au niveau du cerveau, ces plaques dites amyloîdes étant associées à la maladie d’Alzheimer, et d’autre part la protéine tau phosphorylée qui s’accumule elle aussi de façon anormale dans la MA. Lumipulse est destiné aux adultes de plus de 55 ans présentant déjà des symptômes de la maladie.

Une arrivée espérée

Une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) a d’ores et déjà été déposée auprès de l’Agence européenne des médicaments, mais difficile de dire dans quels délais elle sera accordée. Ce dispositif, « novateur » selon les termes de la FDA, est attendu de longue date par la communauté scientifique. En effet, le diagnostic de la maladie d’Alzheimer est complexe car la pathologie peut s’exprimer de multiples façons. Il s’agit d’un diagnostic différentiel, non définitif du vivant de la personne. Il suppose pour les patients de pouvoir accéder à des centres spécialisés dits « centres mémoire », inégalement répartis sur le territoire français et souvent saturés. Il nécessite, à l’heure actuelle, le recours à des outils coûteux (PET-scan à la recherche de plaques amyloïdes) ou invasifs (ponction lombaire) afin de détecter les biomarqueurs amyloïdes et tau, les signes cliniques ne suffisant pas, en France, à parler de MA. Tout cela sans compter les moyens humains que requièrent également la réalisation des examens neuropsychologiques préalables.
Aussi, Jean-Charles Lambert, neurologue et directeur de recherche Inserm à l’Institut Pasteur de Lille, s’enthousiasme-t-il : « Ce nouveau marqueur […] mesure dans le plasma globalement la même chose que ce que l’on mesurait déjà dans le liquide céphalo-rachidien. On peut penser qu’à l’avenir, une fois effectuée la première étape clinique des examens neuropsychologiques, c’est ce test sanguin qui sera réalisé en premier lieu. Et c’est seulement en cas de doute, pour les cas les plus ambigus, qu’on se dirigera vers l’imagerie et la ponction lombaire. On va grandement faciliter, et donc démocratiser, le diagnostic de la maladie. »

Pertinence de la prédiction

L’accès au diagnostic sera d’autant plus simplifié que ce test sanguin est jugé fiable par les neurologues. « Il a pour particularité de donner une valeur prédictive négative élevée, de 98 %, décrypte Julien Dumurgier, professeur au centre de neurologie cognitive de l’hôpital Lariboisière (AP-HP). Cela signifie que si la valeur des marqueurs sériques est basse, il y a 98 % de chances d’avoir un PET-scan amyloïde négatif, et cela vient justifier dans ce cas le peu d’intérêt d’orienter vers cet examen supplémentaire. Il a également une valeur prédictive positive, certes un peu plus faible, à 92-93 %, mais qui reste pertinente. C’est-à-dire que si les résultats d’un patient se trouvent au-dessus d’un certain seuil, il y a 9 chances sur 10 pour que le PET-scan amyloïde ou la ponction lombaire soient positifs. »

Promesses d’avenir

Autre avantage de ce dispositif par rapport à ses concurrents en cours de développement (notamment chez Roche Diagnostics et chez Lilly), dont le fonctionnement est peu ou prou identique : « Il y aurait visiblement une zone d’incertitude plus faible avec Lumipulse, de l’ordre de 20 % seulement », indique Julien Dumurgier. Reste que la place de ce test sanguin dans la stratégie diagnostique ne sera pas définie tant qu’il n’y aura pas d’AMM. « Dans un premier temps, il est vraisemblable que ces marqueurs [présents dans le sang] soient utilisés uniquement par les spécialistes dans les consultations mémoire. Et ils seront réservés, ce qui est le cas aux États-Unis, à des personnes présentant déjà des troubles cognitifs en cours d’exploration », avance le neurologue. À l’heure où arrivent les immunothérapies antiamyloïdes, des médicaments qui ciblent les stades débutants de la MA, la simplicité d’utilisation et d’accès de ces marqueurs sériques laisse entrevoir de nombreuses avancées.
En effet, « la maladie d’Alzheimer est une pathologie chronique, qui évolue cliniquement sur 10-15 ans. Mais biologiquement, les premiers dépôts de protéines dans le cerveau débutent encore 10 ans avant les premières manifestations cliniques », explique Julien Dumurgier. Étant donné ce mécanisme, les spécialistes s’accordent à dire que les biomarqueurs pourraient avoir un jour un intérêt pour le diagnostic précoce de la MA. « On peut imaginer, pour un patient avec des problèmes de mémoire débutants, que des marqueurs sériques positifs permettent d’accélérer l’accès aux nouveaux traitements », souligne-t-il.

Boule de cristal

Dans ce contexte, un essai clinique mondial a été lancé pour déterminer si les immunothérapies antiamyloïdes pouvaient retarder l’apparition des symptômes de la maladie. Il intègre des patients de 55 à 70 ans sans troubles cognitifs, mais considérés comme à risque car présentant des marqueurs sériques positifs et élevés. Si les résultats se révèlent concluants, il n’est pas illusoire d’imaginer pouvoir, grâce à une simple prise de sang, effectuer des dépistages massifs de la maladie pour en prédire la survenue plusieurs années avant l’apparition des premiers signes cliniques et traiter ainsi préventivement les patients.

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