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Cannabis médical : des expérimentations prometteuses

Cannabis médical : des expérimentations prometteus
L’Agence du médicament (ANSM) encadre l’expérimentation du cannabis médical en France. Les effets sur la douleur sont encourageants.

L’expérimentation française du cannabis médical a été validée dès décembre 2018 et lancée plus de deux ans plus tard, en mars 2021. A la mi-juillet 2022, elle compte 1243 patients sur les 1816 inclus depuis le début. « Nous sommes sur un rythme de croisière d’environ 100 patients par mois », résume Nathalie Richard, directrice de ce projet qui est à quelques semaines de la remise prévue d’un rapport d’évaluation au Parlement.

Quelles sont les indications retenues dans l’expérimentation ?

Les patients qui participent à l’étude sont atteints de douleurs fortes et invalidantes. Le groupe le plus important en nombre de patients souffre de douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies habituellement accessibles (652 personnes ont été incluses). Un deuxième type de douleur a justifié l’inclusion de 194 autres patients : une spasticité (c’est-à-dire une raideur musculaire involontaire) douloureuse causée par la sclérose en plaques (SEP). La spasticité associée à d’autres pathologies du système nerveux central a motivé l’inclusion de 48 autres personnes. Par ailleurs, 171 patients sont traités avec du cannabis médical en raison d’épilepsies sévères résistantes aux effets des médicaments. Par ailleurs, 85 autres le sont pour des symptômes douloureux rebelles liés à un cancer ou aux effets secondaires de leurs traitements. Enfin, 93 personnes sont prises en charge dans le cadre de soins palliatifs.

Depuis le début du programme, des patients ont quitté l’expérimentation, soit à cause d’un manque d’efficacité ou d’effets indésirables, soit parce qu’ils sont décédés.

Comment est donné le produit ?

L’une des particularités de cette expérimentation est qu’elle ne prévoit pas de schémas thérapeutiques particuliers à évaluer. La prescription est en fait laissée à la discrétion des médecins, qui adaptent le ratio cannabidiol et/ou tétrahydrocannabidiol (THC) à chaque patient. Quant aux formulations, le cannabis sous forme d’huile est utilisé en traitement de fond, alors que la forme inhalée est employée pour un usage aigu.

Comment se font les remontées expérimentales ?

La remontée et l’analyse des données sont réalisées via les registres de suivi des patients, les réunions mensuelles entre les professionnels de santé engagés dans l’expérimentation ainsi que par l’intermédiaire des patients. Des visioconférences données pour chaque indication apportent aussi des informations éclairantes, permettant à la fois « des retours chiffrés et des remontées qualitatives »

Est-ce efficace ?

Ces retours d’expérience témoignent en particulier d’« une certaine efficacité sur la douleur ». Le cannabis favoriserait « une meilleure gestion » de celle-ci, permettant « qu’elle soit moins envahissante ». Est également évoqué un effet « sur la spasticité, sur les douleurs et symptômes en oncologie et dans les situations palliatives, comme la cachexie (un affaiblissement profond de l’organisme avec amaigrissement sévère), la nausée et l’anxiété », rapporte la responsable du projet.

Les résultats complets ne seront disponibles que dans le rapport d’évaluation remis en septembre, mais d’ores et déjà des effets positifs émergent même s’ils ne sont pas très surprenants dans l’épilepsie où il existe déjà sur le marché une spécialité pharmaceutique contenant du cannabidiol homologuée dans les épilepsies infantiles sévères.

Le circuit est-il sécurisé ?

La sécurisation du circuit d’approvisionnement en cannabis médical est l’un des points sensibles et l’un des objectifs de l’expérimentation est aussi de la tester. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de remontées concernant des détournements de produits.

Qui participe ?

Ce sont 170 médecins dans 297 structures de référence liées à des services hospitaliers qui peuvent inclure des patients dans l’étude. Ils sont répartis dans toute la France, outre-mer compris. Ce qui correspond à une « couverture théorique de l’ensemble du territoire » bien qu’elle ne soit « pas uniforme », précise la directrice du projet. Ces structures sont 184 à avoir inclus au moins 1 patient, mais certaines peuvent en inclure 30 à 40. D’autres structures doivent rejoindre le projet qui est prolongé jusqu’en décembre prochain.

Beaucoup de pharmacies mais pas assez de médecins libéraux

Les patients ont désigné 588 officines et 404 pharmacies à usage intérieur pour venir chercher leur traitement. Mais c’est chez les médecins libéraux que le bât blesse. « C’est un vrai problème, depuis le début, notamment pour les patients qui doivent se rendre tous les mois à l’hôpital », explique encore Nathalie Richard.

D’autres actions envisagées par l’ANSM

L’Agence du médicament a des pistes pour favoriser le lien ville-hôpital, faciliter le relais en ville et informer davantage les médecins généralistes des avancées de l’expérimentation et de l’état des connaissances concernant le cannabis à usage médical.

Vers de nouvelles indications ?

Le comité de suivi de l’expérimentation épluche les données internationales publiées depuis 2018. L’instance réfléchit à l’élargissement des indications, notamment dans le traitement de troubles psychiatriques, comme les troubles anxieux, le stress post-traumatique, la schizophrénie, le trouble bipolaire, ainsi que dans la prise en charge des addictions. Autres pistes de réflexion : les douleurs liées au glaucome réfractaire ou à la maladie de Crohn.

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