Comment mieux accompagner les adultes trans

Comment mieux accompagner les adultes trans
La Haute Autorité de santé (HAS) vient de publier des recommandations pour améliorer l’accompagnement et la prise en charge des adultes trans en France.

« C’est la première fois qu’il y a des recommandations nationales […] sur cette question de la prise en charge de la transidentité », s’est félicité Lionel Collet, président de la HAS, lors de la conférence de presse du 18 juillet dernier présentant les recommandations sur la prise en charge médicale de l’adulte trans. Ces patients s'identifient à un genre différent de celui auquel correspond leur sexe de naissance, sachant que le sexe biologique est déterminé par les organes reproducteurs et l'identité de genre correspond, elle, à la sensation intérieure d'être un homme ou une femme.
L’objectif de ces travaux d’experts donnant lieu à des recommandations à destination des professionnels de santé ? Améliorer la qualité, la sûreté et l’homogénéité des pratiques de soins, et permettre aux personnes trans de prendre des décisions éclairées. Ces travaux répondent à une saisine de 2021 d’Olivier Véran, alors ministre de la Santé.

« Pas une maladie »

D’après l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), qui a participé à un premier rapport sur le sujet remis à Olivier Véran en 2022, il existe peu de données solides sur le nombre de personnes trans dans la population française. Il a seulement été possible d’évaluer à 9 0000 le nombre de bénéficiaires du dispositif des affections de longue durée (ALD) au titre d’un diagnostic de transidentité ou dysphorie de genre en 2020, qui est monté à 22 550 en 2023.  « La transidentité n’est pas une maladie, et c’est encore moins une maladie psychiatrique », a insisté Lionel Collet, mais « la décision de transitionner va mobiliser un grand nombre d’acteurs qui vont être là à la fois pour l’accompagnement psychosocial, pour la prise en charge médicale, et le cas échéant pour la prise en charge chirurgicale ».

Une prise en charge hétérogène

La première des 152 recommandations contenues dans le document concerne la définition à donner au terme « personne trans ». « La caractérisation d’une personne en tant que personne trans s’appuie sur son autodétermination », pose la HAS.

En parallèle, il est clair que « les études et témoignages nous montrent une très grande hétérogénéité des soins reçus par les personnes », ce qui est « source d’inégalités et de discriminations […] aujourd’hui fortes sur le territoire national », a expliqué Claire Compagnon, membre du Collège de la HAS. « Ces difficultés dans l’accès aux soins, à la fois en termes de refus ou de délais, exposent les personnes à un risque de renoncement aux soins, à une très grande pratique d’automédication, qui s’ajoutent à des vulnérabilités importantes » et « à la stigmatisation, avec un surrisque de violence » et « de précarisation ». Or, « l’accès aux soins pour les personnes trans ne constitue pas un confort mais un enjeu vital en termes de bien-être, d’image de soi, de vie personnelle et aussi de santé globale et de vie sociale », a-t-elle insisté.

Quels professionnels de santé consulter ?

La HAS prône une « prise en charge globale et pluriprofessionnelle, mise en œuvre par une équipe de soins ». Les recommandations sont destinées à un large éventail de professionnels : « médecins généralistes, endocrinologues, psychiatres, psychologues, médecins de la fertilité et de la reproduction, gynécologues-obstétriciens, urologues, chirurgiens plasticiens, médecins du travail, travailleurs sociaux », égrène la HAS. Mais il faut bien un chef d’orchestre. Elle préconise « que le médecin généraliste puisse accueillir toute demande de soins et coordonner la prise en charge tout au long du parcours. Il peut assurer le suivi d’une prescription et, s’il est formé, la primo-prescription des traitements hormonaux d’affirmation de genre ». La HAS souligne l’importance de l’entretien initial avec le médecin généraliste ou un professionnel d’une structure de premier recours.

La conduite à tenir précise et détaillée

Le document détaille « la conduite à tenir devant une demande de transition ». Les recommandations en la matière reposent sur une individualisation de l’accompagnent et de la prise en charge médicale, avec la définition d’objectifs. La HAS souligne à ce sujet la nécessité d’informer les personnes « de l’absence de parcours types afin qu’elles soient encouragées à exprimer leurs besoins individuels ». Les patients doivent aussi être informés des « limites des différents traitements, afin d’éviter toute attente irréaliste ». La HAS pointe le besoin d’un « environnement d’accueil bienveillante et adapté ». Il nécessite que les professionnels soient formés « aux bonnes pratiques d’accueil des personnes trans ». L’importance du travail avec l’entourage, social et familial, est également souligné.

Près de 60 items décrits dans ce document d’experts sont relatifs à la prescription d’hormones, féminisantes ou masculinisantes : bilan clinique, dosage, suivi clinique et biologique, vigilance.

La chirurgie aux petits soins

Un autre point très important est celui de la chirurgie. « Il est recommandé de répondre aux demandes de chirurgie des personnes trans, selon les mêmes modalités et dans les mêmes délais que pour les autres demandeurs ». Pour les chirurgies de féminisation il est notamment question d’intervention au niveau facial, thoracique et génital. Il est également recommandé de répondre aux demandes de chirurgies de masculinisation du thorax, d’ablation des organes génitaux internes féminins, de metaoidioplastie et de phalloplastie, c’est-à-dire de création d’un pénis. La HAS souligne la nécessité « de délivrer une information préopératoire claire, loyale et adaptée sur les modalités chirurgicales, les risques (à court ou moyen terme) et le caractère irréversible de certains actes pour lesquels un délai de réflexion est prévu, afin de permettre à la personne trans de donner son consentement éclairé ».

 Une prise en charge globale

Il est précisé qu’« un avis psychiatrique systématique n’est pas recommandé » avant une chirurgie. Si aucune évaluation psychiatrique ou psychothérapie n’est donc obligatoire, les professionnels de santé doivent être capables d’identifier les problèmes de santé mentale, neurodéveloppementaux ou psychosociaux des personnes trans. La HAS rappelle avec force que les « thérapies de conversion » (des pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne) ont démontré leurs effets délétères et rappelle qu’elles sont interdites par la loi.

Modifications physiques et fertilité

Les recos de la HAS incluent les soins dermatologiques (sur la dépilation faciale et/ou corporelle, sur les prothèses et implants capillaires et sur le traitement de l’acné (fréquent chez les hommes trans), la rééducation orthophonique et les soins de kinésithérapie.

Sur la question de la fertilité, « il est recommandé de proposer systématiquement une consultation d’information sur la préservation des gamètes aux personnes trans avant de débuter un traitement hormonal ». Enfin, pour tous les soins courants, les personnes trans doivent avoir « un suivi et une prise en charge comparables à ceux de la population générale ». Il est mentionné également le besoin d’un dépistage des cancers « adapté au profil de la personne trans en fonction de ses organes, de ses antécédents personnels et familiaux ».

Savoir accompagner aussi les détransitions

L’avis mentionne le manque de consensus et d’études sur la détransition, c’est-à-dire le retour au sexe assigné à la naissance. La HAS recommande « d’explorer les ressorts d’une détransition et de dépister d’éventuelles violences » et « d’accompagner les personnes qui souhaitent détransitionner selon les mêmes modalités que les demandes de transition ».

« En l’absence de données suffisamment robustes et de consensus, la HAS a fait le choix d’aborder séparément la question des moins de 18 ans », explique la HAS qui annonce qu’elle « démarrera l’élaboration des recommandations relatives aux mineurs début 2026 ». La Haute autorité attire par ailleurs l’attention des pouvoirs publics sur « la nécessité de renforcer la formation initiale et continue des professionnels, de structurer l’offre de soins et de mettre en place une réorganisation territoriale adaptée aux besoins d’accompagnement et de prise en charge médicale et chirurgicale des personnes trans ».

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