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Cytomégalovirus : alerter les femmes enceintes

Cytomégalovirus : alerter les femmes enceintes
L’infection par le cytomégalovirus est généralement bénigne, sauf lorsqu’elle touche une femme enceinte. Son futur bébé est alors à risque de souffrir de surdité ou d’un handicap neurologique.

Le cytomégalovirus (CMV) est un virus de la famille des herpès. Il est relativement répandu chez les jeunes enfants qui l’attrapent et se le transmettent dans les lieux collectifs, notamment les crèches. La contamination se fait par contact avec la salive, les urines ou les sécrétions nasales. Les personnes s’occupant des enfants (et donc leurs parents) peuvent facilement être contaminés.

Des effets variables

Dans la majorité des cas, l’infection par le CMV est asymptomatique chez ces personnes, mais elle peut parfois entraîner des douleurs musculaires, une intense fatigue ou encore de la fièvre, un peu à la façon d’une grippe. En revanche, « dans le cadre d’une grossesse, il peut y avoir des complications concernant le fœtus », nuance Karen Bornaghi, membre de l’association de patients Chanter Marcher Vivre (CMV). En effet, lors d’une contamination au premier trimestre, le virus peut avoir des conséquences directes sur le futur enfant en ciblant principalement le système auditif et le cerveau. Une maladie de l’embryon qui provoque, dans un tiers des cas, une surdité ou un handicap neurologique. « C’est un vrai problème de santé publique puisque 0,7 % des enfants sont infectés », conclut le professeur Yves Ville, directeur de la maternité et du centre de diagnostic prénatal de médecine fœtale de l’hôpital Necker (AP-HP). A noter : au-delà de 14 semaines de grossesses, le virus n’a plus aucun effet négatif sur le futur bébé à naître.

Quel dépistage ?

Il existe des tests de dépistage fiables à faire faire en laboratoires d’analyses médicales. Cependant, leur réalisation en routine n'est recommandée ni par le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), ni par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF). Une position « incohérente et inacceptable » pour le médecin de Necker et Karen Bornaghi. D’après Yves Ville, cette méconnaissance vient principalement de la nouveauté des progrès concernant la recherche sur le CMV. « Le plus souvent les décideurs s'appuient sur une bibliographie qui remonte aux années 1970, alors que la plupart des avancées sur le sujet ont eu lieu dans la dernière décennie. Cela induit une dilution du savoir », s'indigne-t-il.

Des traitements possibles

« D'une part, au niveau de la prévention primaire, les études qui ont montré un bénéfice individuel sont celles où les femmes sont au fait de leur statut sérologique [c’est-à-dire savent si elles ont été contaminées ou pas par le CMV grâce à des recherches sur leurs échantillons de sang], décrit le praticien. D'autre part, même s'il n'existe pas de traitement curatif, nous ne sommes pas complètement démunis lors d'une infection problématique. On peut donner du valaciclovir, qui est un traitement préventif, ou dans le cas d'un échec, du valganciclovir qui empêche le virus de se développer. » Une troisième option, le letermovir, un anti-CMV très spécifique qui a aujourd'hui une autorisation de mise sur le marché uniquement pour les personnes ayant reçu une greffe, pourrait aussi s'avérer être une thérapie très efficace et dénuée d'effets secondaires sur le fœtus.

La recherche avance

Concernant les avancées médicales, avec l'arrivée des vaccins à ARNm, plusieurs laboratoires voient fleurir des projets contre le CMV dans leurs pipelines. C'est notamment le cas de Moderna dont un des produits est entré en phase 3. « S'il s'avère performant, son intérêt pourrait être majeur et notamment en post-partum [après l’accouchement], souligne Yves Ville. Vous protégez ainsi les femmes pour leur deuxième grossesse. »

De son côté, le praticien travaille actuellement avec différents collaborateurs à la création d'une formation en ligne à deux entrées : une pour les professionnels de santé et l'autre pour le grand public. « Il y a un manque d'éducation sur ce virus, nous avons donc créé un mooc avec 150 heures d'enregistrements qui couvre l'entièreté du sujet en faisant participer tous les spécialistes français de différents domaines. » Cet outil devrait être disponible en septembre sur une plateforme de l'Université Paris Cité, accompagné par la suite d'un logiciel permettant d'aider les professionnels de santé à lire les tests sérologiques en fonction de différents paramètres.

De grandes avancées sont donc attendues face à ce cytomégalovirus, en complément d’un meilleur accompagnement des femmes enceintes face à cette contamination potentielle.

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