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La révolution de la vaccination contre le paludisme

La révolution de la vaccination contre le paludism
L’année 2024 sera celle de la révolution dans la lutte contre le paludisme : la diffusion d’un vaccin contre cette maladie, Mosquirix, va se faire à très large échelle sur le continent africain.

Selon l’OMS, le paludisme a touché 241 millions de personnes dans le monde en 2020, et causé 627 000 décès. Il y a cinq ans, en 2019, était lancée au Kenya, au Malawi et au Ghana une phase pilote qui a permis le déploiement du premier vaccin appelé RTS,S (Mosquirix) du laboratoire britannique GSK contre le paludisme. Et depuis la fin de l’année 2023, ce vaccin est en train d’être acheminé dans 13 pays africains sur les quelque 28 qui prévoient des campagnes spécifiques de vaccination contre le paludisme courant 2024.

Un programme en Afrique d’une ampleur inédite

Un programme de vaccination d’une ampleur inédite, qui se fait sous la houlette et avec le financement de l’OMS, de l’Unicef et de Gavi, une organisation internationale également connue sous le nom de « l'Alliance globale pour les vaccins et l'immunisation ». En novembre 2023 déjà, le Sénégal, le Burkina Faso, le Niger, la Sierra Leone et le Liberia avaient réceptionné 1,7 millions de doses de vaccin. Et en janvier 2024, c’était au tour du Bénin, du Burundi, de l’Ouganda, de la République démocratique du Congo (RDC) et du Cameroun de bénéficier à leur tour de livraisons de doses qui permettront de vacciner des millions de personnes, et en premier lieu des enfants qui sont malheureusement les premières victimes du paludisme.

Le Cameroun intègre directement le vaccin à sa stratégie vaccinale

Un pays africain, le Cameroun, est allé plus loin. Il a fait le choix d’intégrer directement RTS,S dans sa stratégie nationale de vaccination de routine. Une avancée qui marque un tournant historique. Il faut dire que le Cameroun est un des pays où l’incidence du paludisme est la plus forte. Un chiffre résume cette situation assez dramatique : au Cameroun, 30 % des consultations médicales sont liées au paludisme. Dans un pays aussi touché, l’impact positif de cet outil préventif qu’est la vaccination promet en toute logique d’être très important, avec un réel d’espoir de voir enfin baisser les hospitalisations et les décès.

Pourquoi le palu est une maladie très difficile et une menace mortelle ?

Le paludisme est transmis par un parasite (du genre Plasmodium), dont sont porteurs les moustiques (vecteurs) qui peuvent transmettre le parasite aux humains par une simple piqûre. Or le cycle de vie des moustiques est particulièrement compliqué. Il en résulte que les manifestations cliniques du paludisme, qui débute par une fièvre, peuvent survenir 8 à 30 jours après l’infection. Des maux de tête, douleurs musculaires, un affaiblissement, des diarrhées, une toux peuvent accompagner -ou non- cette fièvre. Des cycles typiques alternant fièvre, tremblements avec sueurs froides et transpiration intense, peuvent alors arriver : c’est « l’accès palustre ». La périodicité de ces cycles dépend de l’espèce de parasite en cause, et coïncide avec la multiplication des parasites et l’éclatement des globules rouges, qui conduit également à l’anémie. Le paludisme engendré par P. falciparum peut être fatal s’il n’est pas traité. Dans certains cas, les globules rouges infectés peuvent obstruer les vaisseaux sanguins irriguant le cerveau : c’est le neuropaludisme, souvent mortel. La vaccination pour la prévention du paludisme P. falciparum chez les enfants vivant dans les zones d’endémie palustre est donc une grande priorité de l’OMS. Le vaccin, encore imparfait, n’empêche pas la transmission mais évite 30 % des formes graves et des décès. Il est donc une arme primordiale à utiliser désormais, en complément des mesures de prévention déjà existantes (pulvérisations, moustiquaires imprégnées, etc) et des médicaments antipaludéens.

Qu’ont donné les phases pilote sur RTS,S et d’autres vaccins sont-ils envisagés ?

Lors de la première phase pilote au Kenya, au Malawi et au Ghana, 6 millions de doses avaient été administrées, et plus de 2 millions d’enfants avaient pu être vaccinés, entraînant une baisse de la mortalité de 13 % et une réduction substantielle des cas graves de paludisme, selon les données de l’OMS. Un deuxième vaccin, R21/Matrix-M du laboratoire américain Novavax, a été préqualifié par l’OMS. Il a démontré une efficacité encore supérieure et un déploiement est possible dès 2025, ce qui fera entrer la lutte contre le paludisme encore dans une autre dimension.

Extension du domaine du moustique…

En France, il n’existe pas de vaccination prévue contre cette maladie qui ne circule pas (hormis quelque 5 500 cas d’importation chaque année), mais lorsque les personnes voyagent dans les zones notamment africaines où le parasite est très présent, elles peuvent se faire prescrire dans les consultations spécialisées dans les voyages des médicaments antipaludéens en prévention. Il est également conseillé, lorsqu’on doit s’envoler pour une zone à risque, de s’équiper de sprays antimoustiques et de moustiquaires imprégnées qui peuvent s’avérer très utiles pour tout simplement diminuer le risque d’être piqué. Le pharmacien sait conseiller les bons produits pour repousser les indésirables Anopheles (le type de moustiques qui transmet le paludisme). Mais si la maladie n’est pas encore un problème en France, le fait qu’elle soit transmise par les moustiques conjugué au réchauffement climatique fait que les zones géographiques où les moustiques prolifèrent s’étendent inexorablement. L’Inde, l’Asie, l’Amérique latine mais aussi le Sud de l’Europe, pourraient progressivement être concernées par ce problème. Ainsi, des discussions sont d’ores et déjà en cours avec certains pays de ces zones qui, s’ils deviennent éligibles à recevoir l’appui de GAVI, auront un jour droit au programme qui est en train d’être développé en Afrique.

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