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Les pionniers de l’ARN messager nobélisés

Les pionniers de l’ARN messager nobélisés

Par JeanLuc

Le Prix Nobel de médecine 2023 vient d’être décerné à deux spécialistes de l’ARNm qui ont ouvert la voie aux vaccins contre la Covid-19.

L’Académie suédoise a récompensé, le 2 octobre, la Hongroise Katalin Kariko et l’Américain Drew Weissman. Les deux complices, professeurs à l’université de Pennsylvanie, ont reçu le prix Nobel de médecine pour leur contribution déterminante à la mise au point du vaccin à ARN messager, technologie révolutionnaire qui a probablement sauvé des dizaines de millions de vies durant la pandémie de Covid-19.

Il est rare que la prestigieuse récompense couronne des médecins dont la découverte a donné lieu à une application aussi récente. En effet, la première utilisation à large échelle de cette technologie révolutionnaire a à peine 3 ans. Dans la course internationale au vaccin contre la Covid-19, Pfizer/BioNTech et Moderna ont pris de cours, avec leurs vaccins à ARN messager, toutes les autres technologies : vaccins à virus inactivés ou atténués, à vecteur viral et à protéines recombinantes.

Dix mois pour ce vaccin mais vingt ans de travail préalable

En dix petits mois, les deux labos ont élaboré des vaccins sûrs et dotés d’une efficacité inespérée de 95 % contre la souche initiale ! Une rapidité qui a d’ailleurs nourri la méfiance des personnes aux idées antivax. Mais les nobélisés insistent sur le fait que si le vaccin a été mis au point en moins d’une année, la technologie, elle, était déjà en gestation depuis plus de vingt ans. « Nous avons modifié l’ARN messager et nous avons eu les honneurs, mais les vaccins sont basés sur plus de 20 ans de travail par Kati et moi et sur celui de centaines, voire de milliers d’autres scientifiques », précise humblement Drew Weissman dans le New York Times. Avant eux, on peut citer notamment un autre duo, les Américains Robert Malone et Philip Felgner, les premiers a avoir démontré, en 1990, qu’un mélange complexe d’ARN messager et de certains lipides pouvait entrer dans les cellules afin que ces dernières produisent la protéine semblable à celle que l’on veut cibler sur le virus.

Un duo au fonctionnement épatant

Le duo Kariko-Weissman, lui, se forme à l’Université de Pennsylvanie. Katalin Kariko a grandi dans la Hongrie communiste et quitté son pays en 1985 avec son mari, son bébé, et leurs économies cachées dans l’ours en peluche du petit. Elle est déjà convaincue des supers pouvoirs de l’ARN messager, ce ruban d’instructions génétiques que l’on peut exprimer en l’introduisant dans la cellule. Elle est également persuadée aussi du net avantage de l’ARN sur l’ADN en termes de risques, puisque l’ARN n’a pas la capacité de modifier le génome. Mais l’ARN est fragile et l’université de Pennsylvanie ne mise que sur l’ADN et les thérapies géniques fondées sur celui-ci, privant ainsi la Pr Kariko de financements pour ses recherches.

Un frein qui n’a toutefois pas empêché la scientifique de poursuivre ses travaux.  En 1998, Kariko et Weissman discutent autour de la photocopieuse du laboratoire. « Bonjour, je suis Kati, je travaille sur l’ARN… Moi c’est Drew, je travaille à un vaccin contre le sida à base d’ADN. Enfin j’essaie car ça ne marche pas. Tu crois que tu pourrais produire de l’ARN pour moi ? » La suite de cette collaboration fructueuse entre Kariko, qui partira chez BioNTech en 2013 et en deviendra vice-présidente jusqu’en octobre 2022, et Weissman, issu initialement du laboratoire d’Anthony Fauci aux National Institutes of Health, durera 15 ans. Le duo est raconté avec brio, notamment leurs entrevues au sommet à la photocopieuse, dans le documentaire « Les aventures de l’ARN messager » actuellement sur arte.tv.

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